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Exhibition Picturo-Fécale

  • : Les Elucubrations Saugrenues de Monsieur Snookaz
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21 septembre 2011 3 21 /09 /septembre /2011 23:03

 

Je me réveillais avec un nœud au ventre. Quelque chose avait changé. Je n'arrivais pas à définir vraiment ce que c'était, pourtant je le sentais. Un truc bizarre dans mon ventre. Ça remuait, c'était presque douloureux... La diarrhée ? Non, tout de même. Mon hygiène de vie laisse certes à désirer, mais mon corps a justement développé une résistance aux maladies hors du commun. En fait, je suis certain que si les gens de l'extérieur se mettaient, comme moi, à vivre sobrement, exposés aux risques de la vie au lieu de s'enfermer dans leurs demeures aseptisées, de manger leur produits traités, et de prendre leurs médicaments sur-dosés, ils n'en vivraient pas plus mal... C'est discutable, je l'admet. Et il est vrai qu'un certain confort, acquis au prix d'une vie de dur labeur, de l'héritage conséquent d'un ex-membre âgé de la famille ou d'un ticket loto, n'est pas facile à abandonner. Je ne mènerais pas plus loin ce débat stérile, puisqu'il n'a en fin de compte aucun rapport avec l'anecdote superflue que je m'apprêtais à vous compter, avant d'être ignominieusement interrompu par mon propre texte.

J'avais cette atroce douleur au ventre disais-je donc. Bien qu'à la réflexion, « atroce » n'était pas le mot adéquat à une telle sensation. Je n'avais que rarement ressenti une douleur aussi vive auparavant, et le souvenir de cette douleur était si lointain, que je l'avais presque oublié. C'était... Délicieux, en fait. Un mélange étrange entre douleur et plaisir, entre torture et orgasme. La dernière fois, je m'en souvenais alors, que j'avais ressenti une telle joie mêlée d'angoisse, c'était avant mon emménagement dans la petite cave dans laquelle je vis actuellement. Je me souviens de ma mère, qui me portait sur ses genoux, ils étaient déjà paralysés, à l'époque. Il m'était impossible de localiser géographiquement les images qui déferlaient maintenant dans ma tête. Devant mes yeux de l'époque s'offrait en revanche une vue magnifique sur une vallée, peinte en vert par d'innombrables arbres aux formes approximatives, abritant de leurs feuillages un sous-bois de bruyère, dans lequel gambadaient et s'ébattait une faune champêtre, sans se soucier du fait qu'ils seraient bientôt abattus par les carabines haineuses de chasseurs ivres. Le ciel était parsemé de nuages fins, sur lesquels se reflétaient les couleurs suaves d'un soleil fatigué. Le vent, qui soufflait sans grande conviction, ramenait à mes petites oreilles l'écho singulier d'une mélodie apaisante, jouée en pianissimo par les feuilles, qui se livraient en cachette à des étreintes délicates. J'étais pénétré par la beauté qui s'offrait à mes sens, et je me sentais perdu face à l'immensité et la majesté de la nature. Un bonheur intense s’immisçait en moi, mais avec lui une extrême frustration de ne pouvoir toucher, embrasser, serrer, sentir chaque infime particule de ce cosmos contre ma peau. J'étais amoureux.

Arriver à cette conclusion m'indisposait. La diarrhée eut été un sort plus enviable. En effet, les rares fois où je sortais la tête hors de mon trou, l'amour m'apparaissait comme une entité étouffante, synonyme de dépendance et d'engagement. L'amour semblait également être, au sein de la société à laquelle j'étais étranger, un but, un achèvement. Les gens semblaient être contraints de s'aimer, parce que les codes stipulaient qu'il était nécessaire d'aimer, de fonder une famille, d'avoir des enfants. J'étais un ignorant, et telle fut mon interprétation des choses. J'étais donc emmerdé de soudain m'apercevoir que ces codes s'étaient introduits sous ma voûte. Puis je réfléchis. L'amour intense que j'avais ressenti dans mon souvenir n'était probablement pas un produit de la société, je ne la connaissait pas alors. Ma mère m'avait également prouvé son amour plusieurs fois avant de mourir. Pourquoi pas ? Me dis-je. Après tout, rien ne vaut la découverte.

Il manquait cependant un élément clé. Une question simple que je ne m'étais pas posé, trop occupé que j'étais à utiliser un flash back afin de mettre le doigt sur mon problème para-intestinal. Qui ? Telle était la question. Alors, je fermais les yeux, pour donner à l'instant une dimension dramatique. Puis, réalisant que je ne voyait pas si l'effet était réussi, je les rouvrit. Puis, son visage m'apparut. Elle était blonde. Blonde et belle. Aussi belle qu'un requiem, elle soulevait en moi les mêmes émotions puissantes. Un visage doux, des yeux cristal, je m'en souvenais comme d'un rêve. Je l'avais croisé la veille, lors d'une escapade hors de mon antre pour des raisons inhérentes à ma survie. Me souvenir de son visage me tirait le cœur vers l'avant. La sensation de nœud s'accentuait, tandis que son visage m'apparaissait de plus en plus net. J'esquissais un sourire, les yeux presque révulsés, je devais avoir l'air idiot. Mon cœur tirait toujours, jusqu'à ce que la sensation se transforme en nausée. J'attrapais alors un récipient. Le premier qui eut le malheur de tomber sous ma main. C'était une casserole, tant pis. Le temps me faisait défaut. J'entre-ouvrais mes lèvres au dessus de l'ustensile de cuisine, et recrachait tout mon repas de la veille. Je n'aurais pas dû tenter le chili con carne. Philibert, dans son bocal, me lançait un regard transversal. Après avoir esquissé un geste obscène, je posais la casserole sur mon réchaud à gaz, puis l'allumais. armé un crayon à peine taillé et d'un morceau d’essuie-tout, j'entamais alors la production d'un portrait de la fille qui m'obsédait. Le résultat fut tout sauf ressemblant, mais comme je disposais d'une imagination suffisante, je l'accrochait au-dessus de mon lit en bois. Satisfait, je souriais. Pour une fois dans ma vie, je me sentais moins seul. Philibert objecta. Je m'en fichais.

 

J'étais amoureux.

 

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commentaires

C
<br /> Chère anguille, même.<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Cher anguille des sables,<br /> C'est dans un élan de remous stomacaux intenses que je vous gratifie d'une gerbe acerbe pleine de vie, qui vous congratule d'ailleurs pour ce fin morceau de littérature rôtie.<br /> <br /> <br />
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